Mesdames et Messieurs les candidats à l’élection présidentielle française 2022, Au nom de l’intersyndicale du Groupe Thales, nous souhaitons vous interpeller sur l’incompréhension voire la perte d’engagement croissantes liées au ras-le-bol des salariés du groupe Thales que provoquent la stratégie guidée par la seule finance, la politique salariale insuffisante du Groupe en 2022 et plus globalement le trop faible niveau de partage des richesses vers les salariés, salariés qui sont à l’origine de ces richesses.
Alors que Thales ne cesse d’engranger des contrats pour la Défense et que les Etats Européens notamment augmentent leurs budgets militaires, nous estimons que Thales devrait choisir d’investir une part du résultat de ces contrats dans la sécurité des citoyens européens.
Ainsi cela passerait par un investissement plus important en R&D, sur l’outil industriel et dans les compétences des salariés car il s’agit principalement d’éviter la disparition des expertises indispensables pour garantir et sécuriser la qualité et la ponctualité de nos équipements.
Mais cette option d’investissement n’est malheureusement pas le choix fait par le groupe Thales et ses actionnaires majoritaires qui préfèrent consacrer ces fonds à un programme exceptionnel de rachat de 7,5 millions d’actions pour destruction (~800M€ au cours actuel) ce qui peut s’apparenter à des dividendes exceptionnels et surenchérit, ainsi, sur les 40% du résultat déjà distribués sous forme de dividendes. Nous soulignons qu’un autre grand groupe de Défense, actionnaire de Thales a malheureusement fait ce même choix cette année.
Depuis plusieurs années et particulièrement depuis le retour du groupe Thales au CAC40, les salariés ainsi que leurs représentants, constatent un déséquilibre significatif de plus en plus important dans le partage des richesses qu’ils créent, ce qui se traduit notamment par une prédominance accentuée de la rétribution des actionnaires au détriment des salaires et de l’investissement.
La communication des résultats du Groupe Thales, jeudi 3 mars dernier, confirme avec éclat cette orientation à l’occasion d’une année 2021 exceptionnelle et la consolidation de l’excellente santé économique du Groupe:
- Le chiffre d’affaires est en hausse de 5,3% à plus de 16 milliards d’euros ;
- Les prises de commandes marquent un record historique à presque 20 milliards d’euros ;
- Un résultat net consolidé de 1,089 milliards d’euros ;
- Un EBIT de 1649 millions d’euros soit 10,2% du Chiffre d’affaires ;
- Un Cash-Flow de 2515 millions d’euros ;
- Un dividende de 2,56€ par action, en hausse de 45%. Thales verse ainsi 40% de son résultat en dividende soit plus de 500 millions d’euros !
- Un programme exceptionnel de rachat de 7,5 millions d’actions (~800 millions d’euros) pour annulation ce qui peut s’assimiler à des dividendes cachés
Dans le contexte actuel, l’explosion des coûts de l’énergie, des denrées alimentaires et le retour d’une inflation importante nous imposent de saisir les candidats à l’élection présidentielle afin de connaître leur point de vue concernant le partage des richesses produites dans les entreprises.
Les salariés et leurs représentants ne comprendraient pas que le groupe Thales, qui a pleinement bénéficié des mesures de soutien à l’emploi via le chômage partiel, qui bénéficie de nombreuses aides publiques telles que le Crédit Impôt Recherche, ne prenne pas sa part dans la préservation du pouvoir d’achat de ses salariés.
La politique salariale 2021 et celle proposée pour cette année ne sont absolument pas à la hauteur des besoins des salariés et des enjeux futurs.
En quoi les demandes des salariés sont-elles légitimes ?
Depuis mars 2020 les plus de 40 000 salariés en France, ont tenu le cap, malgré les énormes difficultés rencontrées pour s’adapter et maintenir les résultats du Groupe. Ils ont accepté des prises de congés forcées, des revenus en baisse à cause de l’activité partielle longue durée (financée à grands renforts de fonds publics) ainsi que des augmentations salariales insignifiantes voire nulles pour une majorité. Les salariés ont aussi accepté des conditions de travail dégradées, une organisation du travail profondément modifiée. Tout cela les a marqués durablement et avec force. Ils ont pourtant su s’adapter et ont acquis de l’expérience et ainsi accru leurs qualifications.
Ils considèrent donc à juste titre avoir apporté leur part et même plus, à l’année exceptionnelle dont se réjouit la direction du Groupe et ses actionnaires ;
Cependant, la Direction du groupe Thales a malheureusement décidé d’appliquer de façon autoritaire et unilatérale, une politique salariale 2022 présentant un budget de 3,5% et une application seulement en avril 2022 sans rétroactivité au 1er janvier, et qui ne va ni couvrir l’inflation ni rattraper les pertes de revenus de 2021 (budget réduit à 1,5% sur 6 mois seulement).
Si la Direction Générale nous rappelle régulièrement que son travail est de rémunérer les actionnaires, nous comptons sur vous pour rappeler à la Direction Générale de Thales que la rémunération des actionnaires ne peut se faire qu’avec la création de valeur ajoutée, donc dans une entreprise à vocation industrielle, par le travail des salariés.
N’est-ce pas à l’Etat actionnaire majoritaire que revient la responsabilité de peser sur les arbitrages en matière de redistribution de la valeur ajoutée au sein du groupe Thales ?
Thales est le premier groupe français et leader européen sur de nombreux marchés dont certains assurent la souveraineté de notre pays. Sans l’engagement des salariés, rien ne serait durable ni même possible.
Les efforts ont été réalisés par les salariés, les fruits de ces mêmes efforts doivent maintenant être partagés à une juste hauteur vers ces mêmes salariés, faute de quoi les récoltes à venir pourraient être bien plus maigres dans une période où la compétition industrielle et mondiale est exacerbée et nécessite une implication sans faille de nos collègues pour y faire face.
Nous soulignons que, dans un marché de l’emploi tendu, nous voyons de plus en plus de « talents » confirmés faire le choix de démissionner pour trouver ailleurs un bien meilleur salaire, ou pour ceux qui le peuvent, partir à la retraite le plus vite possible. C’est d’autant plus inquiétant qu’ils partent avec des compétences recherchées, des connaissances approfondies sur des sujets de défense et de souveraineté du pays. Les autres, qui font le choix de rester malgré l’absence de reconnaissance salariale suffisante pour maintenir leur pouvoir d’achat, pourtant largement dans les moyens du Groupe, ne maintiendront plus leur niveau d’engagement au sein de l’entreprise.
Depuis 7 semaines, durée sans précédent dans l’histoire de Thales, et en coordination de toutes les organisations syndicales du Groupe, les salariés se mobilisent.
Après une courte avancée sur la rétroactivité des augmentations salariales (en avril 2022 au lieu de juillet, et en janvier 2023 au lieu de 2024), la Direction ne voit plus rien, n’entend plus rien. Pourtant, le 10 mars dernier, ce sont plus de 900 salariés qui sont venus manifester leur colère en bas de la Tour Carpe Diem, Siège du Groupe à la Défense. Cette mobilisation historique exceptionnelle, en année de résultats exceptionnels, n’a pas pour le moment rencontré d’écoute de la part la Direction du Groupe.
Sans signal positif en faveur des salariés, le conflit social qui menace de se durcir pourrait avoir un impact significatif sur la production de matériel civil et militaire.
Pour ces raisons et face au mépris affiché d’une Direction fermée et isolée, nous vous demandons d’exprimer votre point de vue sur le partage de la valeur créée, surtout concernant un Groupe dont l’Etat est le premier actionnaire et sur l’orientation des bénéfices des contrats de Défense.
Enfin, nous tenons particulièrement à affirmer que dans cette période de conflit russo-ukrainien, nous, organisations syndicales majoritaires du Groupe Thales, sommes bien évidemment solidaire avec le peuple ukrainien, plongés dans une souffrance extrême, engagé dans une lutte pour maintenir sa liberté et son indépendance. Nous pensons aussi au peuple russe, qui aura à souffrir des conséquences de ce conflit et à toutes les conséquences éventuelles à venir.
Nous sommes à votre disposition pour venir vous expliquer en détail les faits.