Dispositifs autour du coronavirus concernant les salarié-es de droit privé

Garantir la santé des travailleurs face à une réponse sanitaire pas si évidente

La progression du virus en France ainsi que les mesures sanitaires gouvernementales et patronales soulèvent de nombreuses questions pour les travailleurs. Il revient aux syndicats de s’assurer que leur droit à la santé est bien garanti.

Sans céder à un catastrophisme exagéré qui serait anxiogène et contre-productif, il est indispensable d’informer les travailleurs des droits dont ils disposent.

D’une entreprise à l’autre les situations sont très différentes.

Lorsque l’employeur prend les mesures qui s’imposent, il faut veiller à négocier au mieux les conséquences que peuvent avoir ces mesures sur les conditions de travail, la rémunération ou l’emploi.

Lorsque ce n’est pas le cas et que la situation l’impose, les syndicats doivent passer à l’offensive.

Il ne s’agit ni plus ni moins que de placer la santé des travailleurs au centre de nos préoccupations comme nous le faisons en toute autre circonstance.

Dans les revendications de mesures de protection des salariés, il convient de distinguer la situation des travailleurs selon qu’ils participent ou non à un service sanitaire, médical ou de première nécessité.

Dans le cas où le travailleur ne participe pas à une telle activité, l’exposition au virus n’est pas admissible.

En revanche, lorsqu’il participe à une telle activité, c’est plus la question des moyens de protection et d’accompagnement global du travailleur qui se posent.

Les principaux dispositifs auxquels les travailleurs peuvent être confrontés ou auxquels ils peuvent avoir recours sont exposés ci-après.

Ils viennent pour l’essentiel d’une part des dispositifs prévus par le Code du travail et d’autre part du « Questions/Réponses » pour les entreprises et les salariés Covid-19 version mise à jour le 17 mars 2020 dans lequel les ministères de la Santé et du Travail détaillent la mise en oeuvre des dispositifs.

https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/coronavirus-questions-reponses-pour-les-entreprises-et-les-salaries

  • 1. Mise en place du télétravail

Dans le cadre des nouvelles mesures prises par le gouvernement et particulièrement celle du confinement, il est conseillé aux employeurs d’organiser la mise en place du télétravail.

Les entreprises dotées d’un accord collectif ou d’une charte sur le télétravail pourront s’appuyer dessus pour adapter leur organisation.

Le salarié doit en principe donner son accord. Mais il existe une exception prévue à l’art. L. 1211-11 du Code du travail qui permet de se passer de cet accord en cas de risque épidémique. En l’occurrence, le ministère estime que le risque d’épidémie lié au coronavirus est un motif légitime d’imposer le télétravail. Donc, dans ce contexte le salarié ne peut pas refuser d’effectuer du télétravail.

Il ne sera pas toujours facile d’improviser le télétravail. Mais rappelons que l’employeur doit fournir le matériel nécessaire (ex. : ordinateur, connexion internet, etc.).

  • 2. Concernant les congés

Selon la position du gouvernement, l’employeur peut déplacer des congés déjà posés par le salarié sur une autre période à venir compte tenu des circonstances exceptionnelles prévues par l’article L. 3141-16 du Code du travail. Le syndicat dans l’entreprise devra veiller à ce que le déplacement des congés payés soit utilisé en dernier recours, si aucune autre solution n’est possible.

De même, si certains jours de RTT sont librement fixés par l’employeur dans l’entreprise, celui-ci peut modifier leur positionnement en cours de période, dans le respect du délai prévu par l’accord collectif.

En revanche, si le salarié n’a pas posé de congés payés, l’employeur ne peut les imposer.

  • 3. Le chômage partiel

Le dispositif d’activité partielle peut être sollicité par les entreprises dans le cadre de circonstances à caractère exceptionnel, tels que la fermeture d’un établissement, l’absence massive de salariés indispensables, la baisse d’activité liée à l’épidémie, la réduction de l’horaire habituellement pratiqué, etc. (c. trav. art. R. 5122-1). Tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, les salariés bénéficient d’une allocation.

Le salarié placé en position d’activité partielle, ne doit pas être sur leur lieu de travail ou à disposition de l’employeur. Il perçoit une indemnité compensatrice versée par l’employeur. Cette indemnité doit correspondre au minimum à 70 % du salaire horaire brut soit 84% du salaire horaire net. Cette indemnité peut être augmentée par l’employeur.

En fonction de la situation de l’entreprise, il est possible de négocier un maintien total de la rémunération. Ce n’est pas aux salariés d’assumer les risques liés à l’activité de l’entreprise.

  • 4. Le droit de retrait

En cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié est en droit de suspendre son activité après avoir avisé l’employeur de ce danger (art. L. 4131-1 du Code du travail). Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé pour qu’il déclenche la procédure de retrait (Cass. soc. 23 avril 2003, n° 01-44806, BC V n° 136).

L’appréciation se fait au cas par cas. Le Questions/Réponses du gouvernement souligne que peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.

L’employeur ne peut pas sanctionner le salarié qui exerce ce droit et ne peut pas cesser de lui verser sa rémunération (c. trav. art. L. 4131-3).

En cas de suspicion d’abus, le litige pourra être tranché a posteriori par le conseil de prud’hommes (qui sera le plus souvent saisi d’une demande de l’employeur ou du salarié relative au versement des salaires).

Mise en oeuvre dans le contexte actuel : Le risque d’exposition au coronavirus permet-il au salarié d’exercer son droit de retrait ?

Le gouvernement considère de son côté que les possibilités de recours à l’exercice du droit de retrait sont « fortement limitées » lorsque l’employeur prend les mesures de prévention et de protection recommandées par le gouvernement

• Si l’exercice du droit de retrait est manifestement abusif, l’employeur pourra effectuer une retenue sur salaire

par ailleurs, il pourra, selon le contexte, licencier le salarié pour cause réelle et sérieuse.

• Dès lors qu’un employeur suit les recommandations du gouvernement, le salarié ne peut a priori pas invoquer le droit de retrait au motif qu’un de ses collègues revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée, en l’état des connaissances épidémiologiques à ce jour.

Si un voyage professionnel est prévu dans une des régions à risque, le salarié peut exercer son droit de retrait. Un salarié estimant qu’il y a un danger grave et imminent pour sa santé pourrait, exercer son droit de retrait pour ne pas s’y rendre, en s’appuyant sur les informations officielles qui incitent à remettre à plus tard tout déplacement dans ces régions.

Plusieurs remarques s’imposent :

• Le fait que l’employeur ne mette pas en oeuvre les recommandations du gouvernement ou toute mesure adaptée est une circonstance favorisant la caractérisation d’un danger grave et imminent.

Mais ce n’est pas parce que l’employeur applique les recommandations du gouvernement que les salariés ne peuvent pas déclencher leur droit de retrait.

• Le danger peut être caractérisé par une cause extérieure au salarié (ex. : locaux dangereux) ou être lié à son état de santé (ex. : allergie aux agents auxquels son poste l’expose ; Cass. Soc. 20 mars 1996, n° 93-40111, BC V n° 107). Ainsi, un salarié vulnérable au coronavirus (femmes enceinte, personnes âgées de plus de 60 ans, gros fumeurs, personnes asthmatiques ou connaissant des difficultés respiratoires) pourrait mettre en oeuvre son droit de retrait beaucoup plus facilement.

Notons que le droit de retrait concerne la situation du salarié.

Le fait qu’il vive avec une personne particulièrement vulnérable au coronavirus ne permettrait pas d’invoquer le droit de retrait.

Le droit de retrait est un droit garanti par un article de loi et sous le contrôle des conseils de prud’hommes.

  • 5. Les syndicats doivent être à l’offensive au vu de la situation sanitaire exceptionnelle rencontrée.

Le droit de retrait s’exerce individuellement par le salarié. Cependant, rien n’empêche qu’un syndicat organise le déclenchement du droit de retrait en ciblant les postes de travail exposés à un danger grave et imminent ou encore en ciblant les salariés particulièrement vulnérables.

Les représentants du personnel au CSE peuvent exercer un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent. L’employeur est alors tenu de procéder à une enquête avec le représentant du personnel qui a lancé l’alerte et de prendre toute mesure qui s’impose.

Avant que les salariés n’exercent leur droit de retrait chacun individuellement, il peut être utile que des membres du CSE lancent une alerte auprès de l’employeur. Cela rend le droit de retrait plus collectif. Cela peut permettre également de contraindre l’employeur à réfléchir à des solutions pour éviter les situations à risque.

Les représentants du personnel et syndicaux peuvent exiger des employeurs qu’ils diffusent les informations sur les règles d’hygiène et de sécurité, qu’ils mettent à disposition du matériel de prévention et qu’ils procèdent au nettoyage des locaux lorsque cela est nécessaire.

Rappelons que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité à l’égard des salariés. Il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé.

Il doit notamment les informer lorsque des risques se présentent et mettre en place les moyens adaptés pour les protéger au mieux (art. L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail).

Les représentants du personnel et syndicaux peuvent aussi revendiquer que les mesures prises par l’employeur soient négociées. Quand les mesures envisagées nécessitent une consultation du CSE, ils doivent exiger d’être consultés dans les formes. Ils doivent également veiller à la bonne application des accords existants (ex. : accord de modulation du temps de travail, accord RTT, accord sur le télétravail)

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